

J’en ai toujours vu un chez nous ! Mes parents enseignaient le piano et recevaient des élèves à la maison, et je voulais jouer moi aussi. J’ai commencé à quatre ans et demie.
Très tard ! Je viens d’une toute petite communauté, vivant sur une île dans l’ouest de la Norvège. Ce n’est qu’en voyageant que j’ai rencontré d’autres musiciens. Peut-être le jour où j’ai participé à un concours pour enfants, à 9 ans.
J’avais eu le premier prix, ax aequo avec un autre enfant, et j’étais le plus jeune de mon groupe. C’est là que j’ai pu me mesurer à d’autres – je n’avais aucune idée si je jouais vraiment bien. J’avais interprété le célèbre Impromptu opus 90 n°4 de Schubert. C’était mon grand tube !
Peut-être vers l’âge de 10 ans – je déchiffrais au piano des partitions de Nocturnes et de Mazurkas de Chopin. C’était une découverte fantastique, réaliser que c’était une langue qui m’appartenait, et que je pouvais jouer ce que je voulais. C’était un moment très important.
Mon professeur le plus important était Jiri Hlinka, que j’ai rencontré à l’âge de 15 ans lorsque je suis parti étudier à Bergen. Il était tchèque, et avait émigré en Norvège dans les années 1970. Il a eu une influence déterminante sur moi, surtout dans sa vision de la musique, comme si en faire était la chose la plus importante dans la vie, avec un certain fanatisme que je n’avais jamais ressenti dans ma petite communauté.
Je me souviens, pendant l’un de nos premiers cours, il s’est assis et a joué une pièce de Janacek. Je n’en avais jamais entendu et suis immédiatement tombé amoureux de sa musique. Et très tôt, j’ai joué presque la totalité de son œuvre pour piano, qui d’ailleurs faisait partie de mon premier enregistrement, lorsque j’avais 21 ans.
Je venais d’avoir 17 ans, et j’ai obtenu une bourse pour débuter en récital. J’ai pu faire quatre récitals en Norvège, dont mes débuts officiels à Oslo. C’est ce jour-là que j’ai compris ce que cela fait, de donner un concert entier, de partager cela avec le public. C’était important non seulement pour ma carrière, mais pour ma conscience d’être un pianiste.
Il y a des jours où l’on a l’impression de ne pas progresser, et on se sent faillir. Mais aussi de vrais échecs – comme un trou de mémoire qui m’est arrivé en plein concert lorsque j’avais 28 ans. Je jouais le concerto pour piano de Schumann à Bruxelles, et je ne savais pas qu’il y avait un piège pour la mémoire dans le dernier mouvement du concerto. Je l’ai découvert en direct : j’ai joué le mauvais passage et ai dû m’arrêter pour demander au chef d’orchestre de reprendre… Le fait que j’aie dû interrompre un concert public a été un grand choc. Et ça m’a pris plusieurs semaines pour m’en remettre et regagner la confiance en moi.
Je n’en ai jamais gagné, je crois que j’ai au neuf nominations – mais je ne compte pas vraiment (en effet, il en a huit, ndlr). Le jour où j’en recevrai un, je serai heureux, et puis le lendemain je me sentirai comme d’habitude. Je suis assez gâté parce que mon travail est reconnu, et je ne pense pas que ce type de reconnaissance va changer ma vie. Même si c’est très encourageant d’en recevoir !
Cela arrive de temps en temps que l’on me dise que mon interprétation s’est approchée de la vérité. Que c’est ainsi que cela devait être joué, que c’est fidèle à l’intention du compositeur. C’est une sensation que j’ai parfois lorsque j’écoute d’autres interprètes. Lorsque quelqu’un note cela après l’un de mes concerts, cela me rend extrêmement heureux.
Sans doute des chansons pour enfants – nous avons chanté à nos enfants depuis qu’ils sont petits, et je pense que c’est extrêmement important. Et puis plus tard, des pièces pour piano – j’ai eu le plus gros succès avec Le Carnaval des Animaux auprès de mon fils, il était complètement accro.
Je ne peux pas imaginer ma vie sans musique, sans jouer pour moi, en écouter, en discuter… mais je peux imaginer un jour où je n’aie pas besoin de jouer devant d’autres. On ne devrait pas en être dépendant au point de ne pas pouvoir imaginer sa vie sans. Mais c’est une partie si importante de ma vie de communiquer la joie de la musique au public…
Propos recueillis en novembre 2018
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