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    Louise Bertin

    Ceci est une légende de test.

    Louise Bertin (1805-1877) fait figure d’exception dans le paysage musical parisien du premier XIXe siècle. Compositrice à une époque où bien peu de femmes parviennent à s’imposer dans ce domaine, elle se démarque également en créant des œuvres sur les trois principales scènes de la capitale. 

    Parents de Louise Bertin
    Louis-François Bertin et Geneviève Aimée Victoire Boutard, parents de Louise Bertin

     

    Plus chanceuse que bien d’autres de ses consœurs, elle n’est pas de ces compositrices qui subirent un contexte familial et financier peu propice à l’éclosion du talent et de la reconnaissance. Issue de l’une des plus grandes familles bourgeoises de son temps, elle observa ses parents côtoyer les ministres et les artistes avec une égale connivence. Et pour cause, son père était l’influent directeur du Journal des débats. Homme éclairé, il la soutint dans ses aspirations artistiques, autant que sa mère qui, excellente pianiste, fut probablement son initiatrice musicale. Infirme à la suite d’une poliomyélite, la jeune fille trouva dans les arts – peinture, poésie et musique – une échappatoire salvatrice.

    Cornélie Falcon en Esmeralda
    Cornélie Falcon en Esmeralda – © Paris Musées / Maisons de Victor Hugo Paris-Guernesey

     

    Louise Bertin reçut une formation sérieuse de la part de François-Joseph Fétis et – surtout – d’Antoine Reicha. Elle doit à ce dernier la remise en cause des harmonies et des phrases mélodiques héritées des dogmes classiques. La compositrice n’a laissé que peu d’ouvrages, mais plusieurs sont d’envergure : notamment quatre opéras qui s’appuient tour à tour sur des livrets ou des inspirations de Walter Scott (Guy Mannering, 1825), Scribe (Le Loup-garou, 1827), Goethe (Fausto, 1831) et Victor Hugo (La Esmeralda, 1836). Tous représentent les différentes voies du romantisme frémissant. Si la première partition n’a connu qu’une création en privé, les trois autres ont affronté respectivement les scènes de l’Opéra-Comique, du Théâtre-Italien et de l’Opéra. C’est chose notable dont peu de compositeurs – et aucune autre compositrice – ne purent s’enorgueillir avant ou après cette époque. Pourtant, après ce coup d’éclat, elle disparaît des annales de la musique française, sans doute meurtrie par l’accueil épouvantable que le public de l’Opéra réserva à La Esmeralda.

    On souligne généralement, et à raison, une certaine proximité de la compositrice avec Hector Berlioz. L’artiste, dès 1834, tenait le rôle de feuilletoniste dans le Journal des débats et côtoyait la famille Bertin. La conception de Fausto est également contemporaine des Huit Scènes de Faust (1829). Au moment de la création de La Esmeralda le bruit courrait dans Paris que Berlioz en était peut-être le véritable auteur. Le compositeur s’en explique dans ses Mémoires : 

    Acte IV de La Esmeralda
    La Esmeralda, acte IV – © Paris Musées / Maisons de Victor Hugo Paris-Guernesey

     

    Plusieurs morceaux, entre autres le grand duo entre le prêtre et la bohémienne, au second acte, une romance, et l’air si caractéristique de Quasimodo, furent couverts d’applaudissements à la répétition générale. Néanmoins, cette œuvre d’une femme qui n’a jamais écrit une ligne de critique sur quoi que ce soit, qui n’a jamais attaqué ni mal loué personne, dont le seul tort était d’appartenir à la famille des directeurs d’un journal puissant, dont un certain public détestait alors la tendance politique ; cette œuvre de beaucoup supérieure à tant de productions que nous voyons journellement réussir ou du moins être acceptées, tomba avec un fracas épouvantable. Des sifflets, des cris, des huées, dont on n’avait encore jamais vu d’exemple, l’accueillirent à l’Opéra. On fut même obligé, à la seconde épreuve, de baisser la toile au milieu d’un acte, et la représentation ne put en être terminée.

    L’air de Quasimodo, connu sous le nom d’air des cloches, fut néanmoins applaudi et redemandé par toute la salle, et comme on n’en pouvait ni anéantir ni contester l’effet, quelques auditeurs, plus enragés que les autres contre la famille Bertin, s’écriaient sans vergogne : « Ce n’est pas d’elle ! Ce n’est pas de Mlle Bertin ! C’est de Berlioz !… » et le bruit que j’avais écrit ce morceau de musique imitative de la partition d’Esmeralda fut activement propagé par ces gens-là. J’y suis pourtant complètement étranger comme à tout le reste de la partition, et je jure sur l’honneur que je n’en ai pas écrit une note. Mais la fureur de la cabale était trop décidée à s’acharner contre l’auteur, pour ne pas tirer tout le parti possible du prétexte offert par la part que j’avais prise aux études et à la mise en scène de l’ouvrage ; l’air des cloches me fut décidément attribué.

    Je pus juger par là de ce que j’avais à attendre de mes ennemis personnels, de ceux que je m’étais faits directement par mes critiques, réunis à ceux du Journal des Débats, quand je viendrais me présenter sur la scène de l’Opéra, dans cette salle où tant de lâches vengeances peuvent s’exercer impunément.

    (Hector Berlioz, “Mémoires d’un musicien”, Le Monde illustré, 7 mai 1859).

    Aujourd’hui, dans un contexte plus bienveillant envers les travaux des compositrices, on peut rêver d’une redécouverte de ses œuvres qui ne serait pas sujette à de telles suspicions. L’étude de la genèse de Fausto tend même à prouver que Louise Bertin s’est intéressée à l’adaptation lyrique de l’ouvrage de Goethe avant même que Berlioz n’esquisse ses Huit Scènes de Faust.

    Etienne Jardin

    Rendez-vous le 20 juin 2023 à 19h30
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